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journal de Michèle Ebongue

Pénitencier : ma première visite à « l’Université de New-Bell »

27 Août 2017 , Rédigé par Ebongue Michele Publié dans #société

Pénitencier : ma première visite à « l’Université de New-Bell »

Dans le but d’apporter du réconfort et certains produits de première nécessité, une ONG m’a permis de voir comment vivent les détenus de la capitale économique camerounaise. 

J’ai toujours voulu franchir les portes de la prison centrale de New-Bell, au point où c’était devenu une obsession pour moi. A chaque fois que j’empruntais la route qui mène vers cet établissement pénitencier, je me disais toujours « à quand ma visite? ». Il y a peu, l’occasion s’est présentée à moi et je n’ai pas hésité une seule seconde.  L’Association de soutien et d’assistance aux personnes défavorisées(ASAPED) m’a permis d’entrer en prison pour ma première fois. J’insiste sur le mot « première » parce que je sais que ce ne sera pas la dernière.  

A vrai dire,  j’ai failli désister à la dernière minute. Les membres de l’association  qui nous ont convié à cette visite n’ont pas honoré l’heure fixée. Alors que nous devrions faire notre entrée à 14heures, c’est vers16heures que  nous avons foulé le sol de « l’Université de New-Bell ». Les deux autres confrères venus pour la même occasion, étaient déjà dans tous leurs états. Bienvenue les murmures et les grimasses. Claire-Luce Angouandé, une Journaliste très souriante, n’a pas hésité à faire grise mine en guise de mécontentement.  Du moins, tout  s’est calmé lorsque nous avons passé la porte de contrôle. En vrai, c’était comme on voit dans les films Cubains. Tous les téléphones ont été mis dans un sachet. La carte d’identité comme la  professionnelle, ont été confisquées à l’entrée. Les câbles pour téléphones, les chargeurs et autres matériels du genre ont également été confisqués.  Quant à la fouille, elle était sans commentaire.

C’est tout un quartier que j’ai découvert vendredi dernier. Les prisonniers sont un peu partout, ils défilent dans l’enceinte, rient et blaguent entre eux comme des personnes  qui jouissent de toutes leur  liberté. Néanmoins, je constate qu’il y a comme deux catégories de détenus. Les privilégiés et les non privilégiés. Ceux du premier rang portent des chasubles de couleurs. Ce sont les hommes de mains « du chef » de la prison, ses hommes de confiance, a-t-il signifié. Ce sont eux qui se chargent de faire des commissions pour le chef, servent d’agents de sécurité lorsqu’arrivent des visiteurs comme moi, afin d’éviter tout désagrément.

Ici, c’est quasiment tout le monde qui demande des sous, sauf « les hommes de mains ». Afin, c’est ce que j’ai fait comme constat, et je peux me tromper.  « Grande sœur tu ne reconnais pas ton petit ? », « Ressé il n’y a rien pour moi ? », lançaient alors quelques prisonniers excités de voir des visiteurs, des personnes qui jouissent du droit d’aller et de venir.

L'entrée de la prison

Premier arrêt, le camp des mineurs. Ici, 38 enfants y sont incarcérés, bref 37, car  ce n’est que le lendemain, soit samedi, que le 38e sera compté comme occupant du camp, car il a intégré la troupe ce même vendredi. Une règle propre à l’établissement. En effet, la majeure partie des enfants ont 16 ans.  Il s’agit des enfants qui n’ont pas encore achevé leur adolescence, ce qui nous laisse alors croire que la mal gérance de leur puberté les a conduit dans ce lieu pas très réconfortant, même si au premier regard, tout est parfait. A la demande de Freddy Ngoufack, président fondateur de l’Asaped, nous avons pu causer avec les jeunes détenus. Celui avec qui j’ai échangé m’a révélé sans hésiter ce qui lui a valu son incarcération. « Je suis ici parce que j’ai volé », m’a-t-il dit. Voyant un enfant devant moi, j’avoue que j’ai un peu hésité à lui poser des questions, alors que lui, il était à l’aise, sans aucune honte. La preuve, mes questions trouvaient instantanément leurs réponses.  

Le petit m’a ensuite avoué qu’il a volé la somme de 131 000FCFA dans son établissement scolaire. Le coup s’étant mal orchestré, il a été pris la main dans le sac. Ce qui lui a alors value une peine de 2ans d’emprisonnement et il en a déjà passé 18 mois. Du coup, le jeune Fabrice (prénom que je lui ai attribué) devra encore passé 6mois ici. Si tout se passe bien, Fabrice sortira en février 2018 et va retrouver ses camarades de classes qui comme lui, vont se préparer à affronter les épreuves du baccalauréat en 2019, car le jeune homme vient d’obtenir son BEPC. Un examen qu’il a réussi en prison. Quant au vol, celui-ci assure ne plus vouloir s’y mettre et explique que les cours bibliques qu’il reçoit depuis son incarcération, lui ont permis de savoir que Dieu n’honore pas le vol. « Personne ne m’avait jamais parlé de Dieu, c’est ici que  j’ai tout appris », avoue-t-il.

Fabrice assure alors qu’il ne volera plus. Une promesse qu’il ferra d’ailleurs mieux de tenir, car chez les mineurs, il n’y a pas de récidivisme, ai-je appris. À la deuxième incarcération, le mineur rejoint les adultes. C’est certes dur, mais c’est utile, surtout que le but ici est d’apprendre de ses erreurs. 

Avec les mineurs

Le second arrêt était chez les femmes. 90 femmes, mineures et majeures sont incarcérées dans cette prison. Elles sont toutes joyeuses, propres et surtout accueillantes. D’ailleurs, c’est par un chant hospitalier qu’elles accueillent le groupe.  Voyant les dons (papiers hygiéniques, serviettes hygiéniques, vêtements etc.) arrivés, elles n’ont pas hésité de dire leur reconnaissance avant même le mot d’encouragement du président. Je vous assure, j’ai vu des filles toutes radieuses. Maquillées, coiffées, bien vêtues comme dans des films des pays d’Afrique de l’Ouest. Ce n’est que lors de la brève visite des lieux que le premier ministre et secrétaire du camp des femmes que j’ai compris le phénomène. En fait, ce département comporte des ateliers. Notamment des ateliers de coutures, des salons de coiffures, des ateliers de confection de produits artisanaux et une salle informatique. Dans le dernier cas, les enseignants viennent de l’extérieur pour donner cours. A la fin de la formation, les apprenants reçoivent une attestation qui est valide même à l’extérieur de la prison, sans qu’il y ait marqué diplôme obtenu au sein d’un établissement pénitencier. 

Michèle Ebongue

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